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de puissantes influences, que dès le 29 on a reçu des menaces (peut-être d’Aix, et plus tard de Paris). Les gros bonnets des Jésuites ont écrit, et de Versailles les protecteurs de la cour.

Que feraient les frères dans cette lutte ? Ils consultèrent sans doute leurs chefs, qui durent les avertir de ne pas trop attaquer dans Girard le confesseur libertin ; c’eût été déplaire à tout le clergé dont la confession est le cher trésor. Il fallait, au contraire, l’isoler du clergé en constatant sa doctrine singulière, montrer en lui le quiétiste. Avec cela seul, on pouvait le mener loin. En 1698, on avait brûlé pour quiétisme un curé des environs de Dijon. Ils imaginèrent de faire (en apparence sous la dictée de leur sœur, étrangère à ce projet), un mémoire où le quiétisme de Girard, exalté et glorifié, serait constaté, réellement dénoncé. Ce fut le récit des visions qu’elle avait eues dans le carême. Le nom de Girard y est déjà au ciel. Elle le voit, uni à son nom, au Livre de vie.

Ils n’osèrent porter ce mémoire à l’évêque. Mais ils se le firent voler par leur ami, son jeune aumônier, le petit Camerle. L’évêque lut, et, dans la ville, il en courut des copies. Le 21 août, Girard se trouvant à l’évêché, le prélat lui dit en riant : « Eh bien ! mon père, voilà donc votre nom au Livre de vie. »

Il fut accablé, se crut perdu, écrivit à la Cadière des reproches amers. Il demanda de nouveau avec larmes ses papiers. La Cadière fut bien étonnée, lui jura que ce mémoire n’était jamais sorti des mains de ses frères. Mais, dès qu’elle sut que c’était