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l’entendit crier : « Ô mon Dieu, éloignez-vous… Retirez-vous de moi ! » Le 8 au matin, à la messe, elle n’attendit pas la communion (s’en jugeant sans doute indigne), et se sauva dans sa chambre. Grand scandale. Mais elle était si aimée, qu’une religieuse qui courut après elle, par un compatissant mensonge, jura qu’elle avait vu Jésus qui la communiait de sa main.

Mme Lescot, finement, habilement, écrivit en légendes, comme éjaculations mystiques, pieux soupirs, dévotes larmes, tout ce qui s’arrachait de ce cœur déchiré. Il y eut, chose bien rare, une conspiration de tendresse entre des femmes pour couvrir une femme. Rien ne parle plus en faveur de la pauvre Cadière et de ses dons charmants. En un mois, elle était déjà comme l’enfant de toutes. Quoi qu’elle fît, on la défendait. Innocente quand même, on n’y voyait qu’une victime des assauts du démon. Une bonne forte femme du peuple, fille du serrurier d’Ollioules et tourière du couvent, la Matherone, ayant vu certaines libertés indécentes de Girard, n’en disait pas moins : « Ça ne fait rien ; c’est une sainte. » Dans un moment où il parlait de la retirer du couvent, elle s’écria : « Nous ôter mademoiselle Cadière !… Mais je ferai faire une porte de fer pour l’empêcher de sortir ! » (P. 47, 48, 50.)

Ses frères qui venaient chaque jour, effrayés de la situation, et du parti que l’abbesse et ses moines pouvaient en tirer, osèrent aller au-devant, et, dans une lettre ostensible, écrite à Girard au nom de la Cadière, rappelèrent la révélation qu’elle avait eue le 25 juin sur les mœurs des observantins, lui disant