Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/618

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Girard était-il sorcier, comme on le soutint plus tard ? On aurait bien pu le croire en voyant combien aisément, sans être ni jeune ni beau, il avait fasciné tant de femmes. Mais le plus étrange, ce fut, après s’être tellement compromis, de maîtriser l’opinion. Il parut un moment avoir ensorcelé la ville elle-même.

En réalité, on savait les Jésuites puissants ; personne ne voulait entrer en lutte avec eux. Même on ne croyait pas sûr d’en parler mal à voix basse. La masse ecclésiastique était surtout de petits moines d’ordres mendiants sans relations puissantes ni hautes protections. Les carmes même, fort jaloux et blessés d’avoir perdu la Cadière, les carmes se turent. Son frère le jeune jacobin, prêché par une mère tremblante, revint aux ménagements politiques, se rapprocha de Girard, enfin se donna à lui autant que le dernier frère, au point de lui prêter son aide dans une étrange manœuvre qui pouvait faire croire que Girard avait le don de la prophétie.


S’il avait à craindre quelque faible opposition, c’était de la personne même qu’il semblait avoir le plus subjuguée. La Cadière, encore soumise, donnait pourtant de légers signes d’une indépendance prochaine qui devait se révéler. Le 30 avril, dans une partie de campagne que Girard organisa galamment, et où il envoya, avec la Guiol, son troupeau de jeunes dévotes, la Cadière tomba en grande rêverie. Ce beau moment du printemps, si charmant dans ce pays, éleva son cœur à Dieu. Elle dit, avec un sen-