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l’Affaire de Louviers), avec quelle adresse, quelle discrétion, on y couvre ces sortes de choses. Il voulait l’envoyer ou aux chartreuses de Prémole, ou à Sainte-Claire d’Ollioules. Il en parla même le Vendredi-Saint. Mais elle paraissait si faible qu’on n’osait la tirer de son lit. Enfin, quatre jours après Pâques, Girard étant dans sa chambre, elle eut un besoin douloureux et perdit d’un coup une forte masse qui semblait du sang coagulé. Il prit le vase, regarda, attentivement à la fenêtre. Mais elle, qui ne soupçonnait nul mal à cela, elle appela la servante, lui donna le vase à vider. « Quelle imprudence ! » Ce cri échappa à Girard, et sottement il le répéta (p. 54, 388, etc.).

On n’a pas autant de détails sur l’avortement de la Laugier. Elle s’était aperçue de sa grossesse dans le même carême. Elle y avait eu d’étranges convulsions, des commencements de stigmates assez ridicules ; l’un était un coup de ciseau qu’elle s’était donné dans son travail de couturière, l’autre une dartre vive au côté (p. 38). Ses extases tout à coup tournèrent en désespoir impie. Elle crachait sur le crucifix. Elle criait contre Girard : « Où est-il, ce diable de Père qui m’a mise dans cet état ?… Il n’était pas difficile d’abuser une fille de vingt-deux ans !… Où est-il ? Il me laisse là. Qu’il vienne ! » Les femmes qui l’entouraient étaient elles-mêmes des maîtresses de Girard. Elles allaient le chercher, et il n’osait pas venir affronter les emportements de la fille enceinte.

Ces commères, intéressées à diminuer le bruit, purent, sans lui, trouver un moyen de tout finir sans éclat.