Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/615

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelles. Elle en parla à la Guiol, qui sourit, lui dit qu’elle était bien sotte, que ce n’était rien, et cyniquement elle ajouta qu’elle en éprouvait tout autant.

Ainsi ces perfides commères aidaient de leur mieux à corrompre une fille née très honnête, et chez qui les sens retardés ne s’éveillaient qu’à grand’peine sous l’obsession odieuse d’une autorité sacrée.

Deux choses attendrissent dans ses rêveries : l’une, c’est le pur idéal qu’elle se faisait de l’union fidèle, croyant voir le nom de Girard et le sien unis à jamais au Livre de vie. L’autre chose touchante, c’est sa bonté qui éclate parmi les folies, son charmant cœur d’enfant. Au jour des Rameaux, en voyant la joyeuse table de famille, elle pleura trois heures de suite de songer « qu’au même jour personne n’invita Jésus à dîner ».

Pendant presque tout le carême, elle ne put presque pas manger ; elle rejetait le peu qu’elle prenait. Aux quinze derniers jours, elle jeûna entièrement, et arriva au dernier degré de faiblesse. Qui pourrait croire que Girard, sur cette mourante qui n’avait plus que le souffle, exerça de nouveaux sévices ? Il avait empêché ses plaies de se fermer. Il lui en vint une nouvelle au flanc droit. Et enfin au Vendredi-Saint, pour l’achèvement de sa cruelle comédie, il lui fit porter une couronne de fil de fer, qui, lui entrant dans le front, lui faisait couler sur le visage des gouttes de sang. Tout cela sans trop de mystère. Il lui coupa d’abord ses longs cheveux, les emporta. Il commanda la couronne chez un certain Bitard, marchand du port, qui faisait des cages. Elle n’appa-