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consolait (si bien que tout à l’heure elle est enceinte !). Lorsque Mlle Cadière lui revint ailée, exaltée, lui, au contraire, charnel, tout livré au plaisir, lui « jeta un souffle d’amour » (p. 6, 383). Elle en fut embrasée, mais (on le voit) à sa manière, pure, sainte et généreuse, voulant l’empêcher de tomber, s’y dévouant jusqu’à mourir pour lui (septembre 1729).

Un des dons de sa sainteté, c’est qu’elle voyait au fond des cœurs. Il lui était arrivé parfois de connaître la vie secrète, les mœurs de ses confesseurs, de les avertir de leurs fautes, ce que plusieurs, étonnés, atterrés, avaient pris humblement. Un jour de cet été, voyant entrer chez elle la Guiol, elle lui dit tout à coup : « Ah ! méchante, qu’avez-vous fait ? » — « Et elle avait raison, dit plus tard la Guiol elle-même. Je venais de faire une mauvaise action. » — Laquelle ? Probablement de livrer la Laugier. On est tenté de le croire, quand on la voit l’année suivante vouloir livrer la Batarelle.

La Laugier, qui souvent couchait chez la Cadière, pouvait fort bien lui avoir confié son bonheur et l’amour du saint, ses paternelles caresses. Dure épreuve pour la Cadière et grande agitation d’esprit. D’une part, elle savait à fond la maxime de Girard : Qu’en un saint, tout acte est saint. Mais, d’autre part, son honnêteté naturelle, toute son éducation antérieure, l’obligeaient à croire qu’une tendresse excessive pour la créature était toujours un péché mortel. Cette perplexité douloureuse entre deux doctrines acheva la pauvre fille, lui donna d’horribles tempêtes, et elle se crut obsédée du démon.

Là parut encore son bon cœur. Sans humilier