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s’emporta jusqu’à dire que, si elle l’était, on interdirait la chapelle (p. 36-37).

Toutes deux elles avaient le tempérament du pays, l’extrême agitation nerveuse, et dès l’enfance, ce qu’on appelait des vapeurs de mère (de matrice). Mais le résultat était opposé : fort charnel chez la Laugier, gourmande, fainéante, violente ; tout cérébral chez la pure et douce Catherine, qui, par suite de ses maladies ou de sa vive imagination qui absorbait tout en elle, n’avait aucune idée du sexe. « À vingt ans, elle en avait sept » Elle ne songeait à rien qu’à prier et donner, ne voulait point se marier. Au mot de mariage elle pleurait, comme si on lui eût proposé de quitter Dieu.

On lui avait prêté la vie de sa patronne, sainte Catherine de Gênes, et elle avait acheté le Château de l’âme de sainte Thérèse. Peu de confesseurs la suivaient dans cet essor mystique. Ceux qui parlaient gauchement de ces choses lui faisaient mal. Elle ne put garder ni le confesseur de sa mère, prêtre de la cathédrale, ni un carme, ni le vieux jésuite Sabatier. À seize ans, elle avait un prêtre de Saint-Louis, de haute spiritualité. Elle passait des jours à l’église, tellement que sa mère, alors veuve, qui avait besoin d’elle, toute dévote qu’elle était, la punissait à son retour. Ce n’était pas sa faute. Elle s’oubliait dans ses extases. Les filles de son âge la tenaient tellement pour sainte, que parfois, à la messe, elles crurent voir l’hostie, attirée par la force d’amour qu’elle exerçait, voler à elle et d’elle-même se placer dans sa bouche.

Ses deux jeunes frères étaient disposés fort diver-