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vieille cité. Elle contient deux peuples différents, le fonctionnaire étranger, et le vrai Toulonnais, celui-ci peu ami de l’autre, enviant l’employé et souvent révolté par les grands airs de la Marine. Tout cela concentré dans les rues ténébreuses d’une ville étranglée alors de l’étroite ceinture des fortifications. L’originalité de la petite ville noire, c’est de se trouver justement entre deux océans de lumière, le merveilleux miroir de la rade et le majestueux amphithéâtre de ses montagnes chauves d’un gris éblouissant et qui vous aveuglent à midi. D’autant plus sombres paraissent les rues. Celles qui ne vont pas droit au port et n’en tirent pas quelque lumière, sont à toute heure profondément obscures. Des allées sales et de petits marchands, des boutiques mal garnies, invisibles à qui vient du jour, c’est l’aspect général. L’intérieur forme un labyrinthe de ruelles, où l’on trouve beaucoup d’églises, de vieux couvents, devenus casernes. De forts ruisseaux, chargés et salis des eaux ménagères, courent en torrents. L’air y circule peu, et l’on est étonné, sous un climat si sec, d’y trouver tant d’humidité.

En face du nouveau théâtre, une ruelle appelée la rue de l’Hôpital va de la rue Royale, assez étroite, à l’étroite rue des Canonniers (Saint-Sébastien). On dirait une impasse. Le soleil cependant y jette un regard à midi, mais il trouve le lieu si triste, qu’à l’instant même il passe et rend à la ruelle son ombre obscure.

Entre ces noires maisons, la plus petite était celle du sieur Cadière, regrattier, ou revendeur. On n’entrait que par la boutique, et il y avait une