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eu lieu, celui de la dévotion, du bon cœur, de la reconnaissance. Plus tard, la friponnerie se mêla à tout cela ; mais alors (1728) ces étranges scènes populaires étaient très-pures.

Les jésuites auraient tout donné pour avoir le moindre de ces miracles qu’ils niaient. Ils travaillaient depuis près de cinquante ans à orner de fables et de petits contes leur légende du Sacré-Cœur, l’histoire de Marie Alacoque. Depuis vingt-cinq ou trente ans, ils avaient tâché de faire croire que leur confrère, Jacques II, non content de guérir les écrouelles (en qualité de roi de France), après sa mort s’amusait à faire parler les muets, faire marcher droit les boiteux, redresser les louches. Les guéris louchaient encore plus. Quant aux muets, il se trouva, par malheur, que celle qui jouait ce rôle était une coquine avérée, prise en flagrant délit de vol. Elle courait les provinces, et, à toutes les chapelles de saints renommés, elle était guérie par miracle et recevait les aumônes ; puis recommençait ailleurs.

Pour se procurer des miracles, le Midi vaut mieux. Il y a là des femmes nerveuses, de facile exaltation, propres à faire des somnambules, des miraculées, des stigmatisées, etc.

Les jésuites avaient à Marseille un évêque à eux, Belzunce, homme de cœur et de courage, illustre depuis la fameuse peste, mais crédule et fort borné, sous l’abri duquel on pouvait hasarder beaucoup. Ils avaient mis près de lui un Jésuite franc-comtois, qui ne manquait pas d’esprit ; qui, avec une apparence austère, n’en prêchait pas moins agréablement