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sérieux qui se gouvernent par l’Église[1]. La mondaine, qui relève sa maison par la grande ressource du temps, l’adultère lucratif, se rit de la prudence et suit la nature hardiment. La famille dévote ne suit que son jésuite. Pour conserver, concentrer la fortune, pour laisser un fils riche, elle entre aux voies obliques de la spiritualité nouvelle. Dans l’ombre et le secret, la plus fière, au prie-Dieu, s’ignore, s’oublie, s’absente, suit la leçon de Molinos : « Nous sommes ici-bas pour souffrir ! Mais la pieuse indifférence, à la longue, adoucit, endort. On obtient un néant. — La mort ? Pas tout à fait. Sans se mêler, ni répondre des choses, on en a l’écho, vague et doux. C’est comme un hasard de la Grâce, suave et pénétrante, nulle part plus qu’aux abaissements où s’éclipse sa volonté. »

Exquises profondeurs… Pauvre Satan ! que tu es dépassé ! Humilie-toi, admire, et reconnais tes fils.


Les médecins, qui bien plus encore sont ses fils légitimes, qui naquirent de l’empirisme populaire qu’on appelait sorcellerie, eux ses héritiers préférés à qui il a laissé son plus haut patrimoine, ne s’en

  1. La stérilité va toujours croissant dans le dix-septième siècle, spécialement dans les familles rangées, réglées à la stricte mesure du confessionnal. Prenez même les jansénistes. Suivez les Arnauld ; voici leur décroissance : d’abord vingt enfants, quinze enfants ; puis cinq ! et enfin plus d’enfant. Cette race énergique (et mêlée aux vaillants Colbert) finit-elle par énervation ? Non. Elle s’est resserrée peu à peu pour faire un aîné riche, un grand seigneur et un ministre. Elle arrive et meurt de son ambitieuse prudence, certainement autorisée.