Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/575

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chèrent s’il y avait une place insensible, comme doit être le signe du Diable. Partout elles trouvèrent la douleur ; si elles n’eurent le bonheur de la prouver sorcière, du moins elles jouirent des larmes et des cris.


Mais la sœur Anne ne se tint pas contente ; sur la déclaration de son diable, l’évêque condamna Madeleine, que la visite justifiait, à un éternel in-pace. Son départ, disait-on, calmerait le couvent. Il n’en fut pas ainsi. Le diable sévit encore plus ; une vingtaine de religieuses criaient, prophétisaient, se débattaient.

Ce spectacle attirait la foule curieuse de Rouen, et de Paris même. Un jeune chirurgien de Paris, Yvelin, qui déjà avait vu la farce de Loudun, vint voir celle de Louviers. Il avait amené avec lui un magistrat fort clairvoyant, conseiller des Aides à Rouen. Ils y mirent une attention persévérante, s’établirent à Louviers, étudièrent pendant dix-sept jours.

Du premier jour, ils virent le compérage. Une conversation qu’ils avaient eue avec le pénitencier d’Évreux, en entrant à la ville, leur fut redite (comme chose révélée) par le diable de la sœur Anne. Chaque fois, ils vinrent avec la foule au jardin du couvent. La mise en scène était fort saisissante. Les ombres de la nuit, les torches, les lumières vacillantes et fumeuses, produisaient des effets qu’on n’avait pas eus à Loudun. La méthode était simple, du reste ; une des possédées disait : « On trouvera un charme