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enlevée avec lui, être autel et victime. Ce qui n’était que trop vrai.

Mais Picart ne s’en tint pas aux plaisirs stériles du sabbat. Il brava le scandale et la rendit enceinte.

Les religieuses, dont il savait les mœurs, le redoutaient. Elles dépendaient aussi de lui par l’intérêt. Son crédit, son activité, les aumônes et les dons qu’il attirait de toutes parts, avaient enrichi leur couvent. Il leur bâtissait une grande église. On a vu par l’affaire de Loudun quelles étaient l’ambition, les rivalités de ces maisons, la jalousie avec laquelle elles voulaient se surpasser l’une l’autre. Picart, par la confiance des personnes riches, se trouvait élevé au rôle de bienfaiteur et second fondateur du couvent. « Mon cœur, disait-il à Madeleine, c’est moi qui bâtis cette superbe église. Après ma mort, tu verras des merveilles… N’y consens-tu pas ? »

Ce seigneur ne se gênait guère. Il paya pour elle une dot, et de sœur laie qu’elle était, il la fil religieuse, pour que, n’étant plus tourière, et vivant à l’intérieur, elle pût commodément accoucher ou avorter. Avec certaines drogues, certaines connaissances, les couvents étaient dispensés d’appeler les médecins. Madeleine (Interrog., p. 13) dit qu’elle accoucha plusieurs fois. Elle ne dit point ce que devinrent les nouveau-nés.


Picart, déjà âgé, craignait la légèreté de Madeleine, qu’elle ne convolât un matin à quelque autre confesseur à qui elle dirait ses remords. Il prit un