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attiraient les petites filles. Celles de Loudun étaient un petit couvent de demoiselles nobles et pauvres. Pauvre couvent lui-même ; en les fondant, on ne leur donna guère que la maison, ancien collège huguenot. La supérieure, dame de bonne noblesse et bien apparentée, brûlait d’élever son couvent, de l’amplifier, de l’enrichir et de le faire connaître. Elle aurait pris Grandier peut-être, l’homme à la mode, si déjà elle n’eût eu pour directeur un prêtre qui avait de bien autres racines dans le pays, étant proche parent des deux principaux magistrats. Le chanoine Mignon, comme on l’appelait, tenait la supérieure. Elle et lui en confession (les dames supérieures confessaient les religieuses), tous deux apprirent avec fureur que les jeunes nonnes ne rêvaient que de ce Grandier dont on parlait tant.

Donc, le directeur menacé, le mari trompé, le père outragé (trois affronts en même famille), unirent leurs jalousies et jurèrent la perte de Grandier. Pour réussir, il suffisait de le laisser aller. Il se perdait assez lui-même. Une affaire éclata qui fit un bruit à faire presque écrouler la ville.


Les religieuses, en cette vieille maison huguenote où on les avait mises, n’étaient pas rassurées. Leurs pensionnaires, enfants de la ville, et peut-être aussi de jeunes nonnes, avaient trouvé plaisant d’épouvanter les autres en jouant aux revenants, aux fantômes, aux apparitions. Il n’y avait pas trop d’ordre en ce mélange de petites filles riches que l’on gâtait. Elles couraient la nuit les corridors. Si bien qu’elles