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Les Capucins, à qui Louise si impérieusement ordonnait de le prendre au corps, étaient (comme tous les ordres de Saint François) ennemis des Dominicains. Ils furent jaloux du relief que ceux-ci tiraient de leur possédée. La vie errante d’ailleurs qui mettait les Capucins en rapport continuel avec les femmes leur faisait souvent des affaires de mœurs. Ils n’aimaient pas qu’on se mit à regarder de si près la vie des ecclésiastiques. Ils prirent parti pour Gauffridi. Les possédés n’étaient pas chose si rare qu’on ne pût s’en procurer ; ils en eurent un à point nommé. Son diable, sous l’influence du cordon de Saint-François, dit tout le contraire du diable de Saint-Dominique, il dit, et ils écrivirent en son nom : « Que Gauffridi n’était nullement magicien, qu’on ne pouvait l’arrêter. »

On ne s’attendait pas à cela, à la Sainte-Baume. Louise parut interdite. Elle trouva à dire seulement qu’apparemment les Capucins n’avaient pas fait jurer à leur diable de dire vrai. Pauvre réponse qui fut pourtant appuyée par la tremblante Madeleine.

Celle-ci, comme un chien battu et qui craint de l’être encore, était capable de tout, même de mordre et de déchirer. C’est par elle qu’en cette crise Louise horriblement mordit.

Elle-même dit seulement que l’évêque, sans le savoir, offensait Dieu. Elle cria « contre les sorciers de Marseille », sans nommer personne. Mais le mot cruel et fatal, elle le fit dire par Madeleine. Une femme qui depuis deux ans avait perdu son enfant fut désignée par celle-ci comme l’ayant étranglé. La femme, craignant les tortures, s’enfuit ou se tint