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Victorieuse, de la Sainte-Baume, elle frappe jusqu’à Marseille. Son exorciste flamand, réduit à l’étrange rôle de secrétaire et confident du Diable, écrit sous sa dictée cinq lettres :

Aux Capucins de Marseille pour qu’ils somment Gauffridi de se convertir ; — aux mêmes Capucins pour qu’ils arrêtent Gauffridi, le garrottent avec une étole et le tiennent prisonnier dans telle maison qu’elle indique ; — plusieurs lettres aux modérés, à Catherine de France, aux Prêtres de la Doctrine, qui eux-mêmes se déclaraient contre elle. — Enfin, cette femme effrénée, débordée, insulte sa propre supérieure : « Vous m’avez dit au départ d’être humble et obéissante… Je vous rends votre conseil. »

Verrine, le Diable de Louise, démon de l’air et du vent, lui soufflait des paroles folles, légères et d’orgueil insensé, blessant amis et ennemis, l’Inquisition même. Un jour elle se mit à rire de Michaëlis, qui se morfondait, à Aix à prêcher dans le désert, tandis que tout le monde venait l’écouter à la Sainte-Baume. « Tu prêches, ô Michaëlis, tu dis vrai, mais avances peu… Et Louise, sans étudier, a atteint, compris le sommaire de la perfection. »

Cette joie sauvage lui venait surtout d’avoir brisé Madeleine. Un mot y avait fait plus que cent sermons. Mot barbare : « Tu seras brûlée ! » (17 décembre.) La petite fille, éperdue, dit dès lors tout ce qu’elle voulait et la soutint bassement.

Elle s’humilia devant tous, demanda pardon à sa mère, à son supérieur Romillion, à l’assistance, à Louise. Si nous en croyons celle-ci, la peureuse la