Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/529

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même, prospérait, s’étendait partout en France ! Sa prétention était la sagesse, le bon sens, le calme. Et tout à coup, il délire ! Romillion eût voulu étouffer la chose. Il fit secrètement exorciser ces filles par un de ses prêtres. Mais les diables ne tenaient compte d’exorcistes doctrinaires. Celui de la petite blonde, diable noble, qui était Belzébuth, démon de l’orgueil, ne daigna desserrer les dents.

Il y avait, parmi ces possédées, une fille, particulièrement adoptée de Romillion, fille de vingt à vingt-cinq ans, fort cultivée et nourrie dans la controverse, née protestante, mais qui, n’ayant ni père ni mère, était tombée aux mains du Père, comme elle, protestant converti. Son nom de Louise Copeau semble roturier. C’était, comme il parut trop, une fille d’un prodigieux esprit, d’une passion enragée. Ajoutez-y une épouvantable force. Elle soutint trois mois, outre son orage infernal, une lutte désespérée qui eût tué l’homme le plus fort en huit jours.

Elle dit qu’elle avait trois diables : Verrine, bon diable catholique, léger, un des démons de l’air ; Léviathan, mauvais diable, raisonneur et protestant ; enfin un autre qu’elle avoue être celui de l’impureté. Mais elle en oublie un, le démon de la jalousie.

Elle haïssait cruellement la petite, la blonde, la préférée, l’orgueilleuse demoiselle noble. Celle-ci, dans ses accès, avait dit qu’elle avait été au Sabbat, et qu’elle y avait été reine, et qu’on l’y avait adorée, et qu’elle s’y était livrée, mais au Prince… — Quel prince ? — Louis Gauffridi, le Prince des magiciens.

Cette Louise, à qui une telle révélation avait