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peu cette fureur du sabbat. C’est l’amour sans l’amour. La fête était expressément celle de la stérilité. Boguet l’établit à merveille.

Lancre varie dans un passage pour éloigner les femmes et leur faire craindre d’être enceintes. Mais généralement plus sincère, il est d’accord avec Boguet. Le cruel et sale examen qu’il fait même du corps des sorcières dit très-bien qu’il les croit stériles, et que l’amour stérile, passif, est le fond du Sabbat.

Cela eût dû bien assombrir la fête, si les hommes avaient eu du cœur.

Les folles qui y venaient danser, manger, elles étaient victimes au total. Elles se résignaient, ne désirant que de ne pas revenir enceintes. Elles portaient, il est vrai, bien plus que l’homme, le poids de la misère. Sprenger nous dit le triste cri qui déjà, de son temps, échappait dans l’amour : « Le fruit en soit au Diable ! » Or, en ce temps-là (1500), on vivait pour deux sous par jour, et en ce temps-ci (1600), sous Henri IV, on vit à peine avec vingt sous. Dans tout ce siècle, va croissant le désir, le besoin de la stérilité.

Cette triste réserve, cette crainte de l’amour partagé, eût rendu le Sabbat froid, ennuyeux, si les habiles directrices n’en eussent augmenté le burlesque, ne l’eussent égayé d’intermèdes risibles. Ainsi le début du Sabbat, cette scène antique, grossièrement naïve, la fécondation simulée de la sorcière par Satan (jadis par Priape), était suivi d’un autre jeu, un lavabo, une froide purification (pour glacer et stériliser), qu’elle recevait non sans gri-