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Je ne m’étonne pas du spectacle étrange qu’offre alors le monde. L’Espagne, avec une sombre fureur, l’Allemagne, avec la colère effrayée et pédantesque dont témoigne le Malleus, poursuivent l’insolent vainqueur dans les misérables où il élit domicile ; on brûle, on détruit les logis vivants où il s’était établi. Le trouvant trop fort dans l’âme, on veut le chasser des corps. À quoi bon ? Brûlez cette vieille, il s’établit chez la voisine ; que dis-je ! il se saisit parfois (si nous en croyons Sprenger) du prêtre qui l’exorcise, triomphant dans son juge même.

Les dominicains, aux expédients, conseillaient pourtant l’intercession de la Vierge, la répétition continuelle de l’Ave Maria. Toutefois Sprenger avoue que ce remède est éphémère. On peut être pris entre deux Ave. De là l’invention du Rosaire, le chapelet des Ave par lequel on peut sans attention marmotter indéfiniment pendant que l’esprit est ailleurs. Des populations entières adoptent ce premier essai de l’art par lequel Loyola essayera de mener le monde, et dont ses Exercitia sont l’ingénieux rudiment.


Tout ceci semble contredire ce que nous avons dit au chapitre précédent sur la décadence de la sorcellerie. Le Diable est maintenant populaire et présent partout. Il semble avoir vaincu. Mais profite-t-il de la victoire ? Gagne-t-il en substance ?

Oui, sous l’aspect nouveau de la Révolte scientifique qui va nous faire la lumineuse Renaissance. Non, sous l’aspect ancien de l’Esprit ténébreux de la