Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de supposer qu’il y faut l’action mystérieuse du Diable. Cela n’est-il pas spécieux ? « Non pas, dit Sprenger, distinguo. Celui qui fend le bois n’est pas cause de la combustion ; il est seulement cause indirecte. Le fendeur de bois, c’est l’amour (voir Denis l’Aréopagite, Origène, Jean Damascène). Donc l’amour n’est que la cause indirecte de l’amour. »

Voilà ce que c’est que d’étudier. Ce n’est pas une faible école qui pouvait produire un tel homme. Cologne seule, Louvain, Paris, avaient les machines propres à mouler le cerveau humain. L’école de Paris était forte ; pour le latin de cuisine, qu’opposer au Janotus de Gargantua ? Mais plus forte était Cologne, glorieuse reine des ténèbres qui a donné à Hutten le type des Obscuri viri, des obscurantins et ignorantins, race si prospère et si féconde.

Ce solide scolastique, plein de mots, vide de sens, ennemi juré de la nature, autant que de la raison, siège avec une foi superbe dans ses livres et dans sa robe, dans sa crasse et sa poussière. Sur la table de son tribunal, il a la Somme d’un côté, de l’autre le Directorium. Il n’en sort pas. À tout le reste il sourit. Ce n’est pas à un homme comme lui qu’on en fait accroire, ce n’est pas lui qui donnera dans l’astrologie ou dans l’alchimie, sottises pas encore assez sottes, qui mèneraient à l’observation. Que dis-je ? Sprenger est esprit fort, il doute des vieilles recettes. Quoique Albert le Grand assure que la sauge dans une fontaine suffit pour faire un grand orage, il secoue la tête. La sauge ? à d’autres ! je vous prie. Pour peu qu’on ait d’expérience, on reconnaît ici la ruse de Celui qui voudrait faire perdre sa piste et