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grande dame après la fête du roi, sera sa confidente et son ministre, dont elle exigera l’impossible.

Au château, il est vrai, elle est seule, l’unique femme, ou à peu près, dans un monde d’hommes non mariés. À en croire les romans, la dame aurait eu plaisir à s’entourer de jolies filles. L’histoire et le bon sens disent justement le contraire. Éléonore n’est pas si sotte que de s’opposer Rosamonde. Ces reines et grandes dames, si licencieuses, n’en sont pas moins horriblement jalouses, (exemple, celle que conte Henri Martin, qui fit mourir sous les outrages des soldats une fille qu’admirait son mari). La puissance d’amour de la dame, répétons-le, tient à ce qu’elle est seule. Quels que soient la figure et l’âge, elle est le rêve de tous. La sorcière a beau jeu de lui faire abuser de sa divinité, de lui faire faire risée de ce troupeau de mâles assotis et domptés. Elle lui fait oser tout, les traiter comme bêtes. Les voila transformés. Ils tombent à quatre pattes, singes flatteurs, ours ridicules, ou chiens lubriques, pourceaux avides à suivre l’outrageuse Circé.

Tout cela fait pitié ! Elle en a la nausée. Elle repousse du pied ces bêtes rampantes. C’est immonde, pas assez coupable. Elle trouve à son mal un absurde remède. C’est (lorsque ceux-ci sont si nuls) d’avoir plus nul encore, de prendre un tout petit amant. Conseil digne de la sorcière. Susciter, avant l’heure, l’étincelle dans l’innocent qui dort du pur sommeil d’enfance. Voilà la laide histoire du petit Jehan de

    miniatures de la cour de Bourgogne, du duc de Berry, etc. Les sujets sont si déplorables, que nulle exécution n’en peut faire d’heureuses œuvres d’art.