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pleine d’angoisse, car, d’année en année, la distance d’âge augmentait, les séparait. La femme de trente-six ans gardait un fils de vingt. Mais à cinquante ans, hélas ! plus tard encore, qu’advenait-il ? Du grand Sabbat, où les lointains villages se rencontraient, il pouvait ramener l’étrangère, la jeune maîtresse, inconnue, dure, sans cœur, sans pitié, qui lui prendrait son fils, son feu, son lit, cette maison qu’elle avait faite elle-même.

À en croire Lancre et autres, Satan faisait au fils un grand mérite de rester fidèle à la mère, tenait ce crime pour vertu. Si cela est vrai, on peut supposer que la femme défendait la femme, que la sorcière était dans les intérêts de la mère pour la maintenir au foyer contre la belle-fille, qui l’eût envoyée mendier, le bâton à la main.

Lancre prétend encore « qu’il n’y avait bonne sorcière qui ne naquit de l’amour de la mère et du fils ». Il en fut ainsi dans la Perse pour la naissance du mage, qui, disait-on, devait provenir de cet odieux mystère. Ainsi les secrets de magie restaient fort concentrés dans une famille qui se renouvelait elle-même.

Par une erreur impie, ils croyaient imiter l’innocent mystère agricole, l’éternel cercle végétal, où le grain, ressemé au sillon, fait le grain.

Les unions moins monstrueuses (du frère et de la sœur), communes chez les Orientaux et les Grecs, étaient froides et très peu fécondes. Elles furent très sagement abandonnées, et l’on n’y fût guère revenu sans l’esprit de révolte, qui, suscité par d’absurdes rigueurs, se jetait follement dans l’extrême opposé.