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plus de sa vie, » est le plus tragique exemple de ces monstrueux sacrements de l’amour anthropophage. Mais quand l’absent ne mourait pas, quand c’était l’amour qui mourait en lui, la dame consultait la sorcière, lui demandait les moyens de le lier, le ramener.

Les chants de la magicienne de Théocrite et de Virgile, employés même au Moyen-âge, étaient rarement efficaces. On tâchait de le ressaisir par un charme qui paraît aussi imité de l’Antiquité. On avait recours au gâteau, à la Confarreatio, qui, de l’Asie à l’Europe, fut toujours l’hostie de l’amour. Mais ici on voulait lier plus que l’âme, — lier la chair, créer l’identification, au point que, mort pour toute femme, il n’eût de vie que pour une. Dure était la cérémonie. « Mais, madame, disait la sorcière, il ne faut pas marchander. » Elle trouvait l’orgueilleuse tout à coup obéissante, qui se laissait docilement ôter sa robe et le reste. Car il le fallait ainsi.

Quel triomphe pour la sorcière ! Et si la Dame était celle qui la fit courir jadis, quelle vengeance et quelles représailles ! La voilà nue sous sa main. Ce n’est pas tout. Sur ses reins, elle établit une planchette, un petit fourneau, et là fait cuire le gâteau… « Oh ! ma mie, je n’en peux plus. Dépêchez, je ne puis rester ainsi. — C’est ce qu’il nous fallait, madame, il faut que vous ayez chaud. Le gâteau cuit, il sera chauffé de vous, de votre flamme. »

C’est fini, et nous avons le gâteau de l’antiquité, du mariage indien et romain, — assaisonné, réchauffé du lubrique esprit de Satan. Elle ne dit pas comme celle de Virgile : « Revienne, revienne Daphnis !