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taureau noir, si elle passe et s’éloigne, mugit de regret. Mais voici l’oiseau qui s’abat, qui ne veut plus de sa femelle, et, les ailes frémissantes, sur elle accomplit son amour.

Nouvelle tyrannie de ce Maître, qui, par le plus fantasque coup, de roi des morts qu’on le croyait, éclate comme roi de la vie.

« Non, dit-elle, laissez-moi ma haine. Je n’ai demandé rien de plus. Que je sois redoutée, terrible… C’est ma beauté, celle qui va aux noirs serpents de mes cheveux, à ce visage sillonné de douleurs, des traits de la foudre… » Mais la souveraine Malice, tout bas, insidieusement : « Oh ! que tu es bien plus belle ! Oh ! que tu es plus sensible, dans ta colérique fureur !… Crie, maudis ! C’est un aiguillon… Une tempête appelle l’autre. Glissant, rapide, est le passage de la rage à la volupté. »


Ni la colère ni l’orgueil ne la sauveraient de ces séductions. Ce qui la sauve, c’est l’immensité du désir. Nul n’y suffirait. Chaque vie est limitée, impuissante. Arrière le coursier, le taureau ! arrière la flamme de l’oiseau ! Arrière faibles créatures, pour qui a besoin d’infini !

Elle a une envie de femme. Envie de quoi ? Mais du Tout, du grand Tout universel.

Satan n’a pas prévu cela, qu’on ne pouvait l’apaiser avec aucune créature.

Ce qu’il n’a pu, je ne sais quoi dont on ne sait pas le nom, le fait. À ce désir immense, profond, vaste comme une mer, elle succombe, elle som-