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désespoir, nourrie de haine, de vengeance, voilà tous ces innocents qui la convient à sourire. Les arbres, sous le vent du sud, font doucement la révérence. Toutes les herbes des champs, avec leurs vertus diverses, parfums, remèdes ou poisons (le plus souvent c’est même chose), s’offrent, lui disent : « Cueille-moi. »

Tout cela visiblement aime. « N’est-ce pas une dérision ?… J’eusse été prête pour l’enfer, non pour cette fête étrange… Esprit, es-tu bien l’Esprit de terreur que j’ai connu, dont j’ai la trace cruelle (que dis-je ? et qu’est-ce que je sens ?), la blessure qui brûle encore…

« Oh ! non, ce n’est pas l’Esprit que j’espérais dans ma fureur : « Celui qui dit toujours : Non. » Le voilà qui dit un Oui d’amour, d’ivresse et de vertige… Qu’a-t-il donc ? Est-il l’âme folle, l’âme effarée de la vie ?

« On avait dit le grand Pan mort. Mais le voici en Bacchus, en Priape, impatient, par le long délai du désir, menaçant, brûlant, fécond… Non, non, loin de moi cette coupe. Car je n’y boirais que le trouble, qui sait ? un désespoir amer par-dessus mes désespoirs ? »


Cependant, où parait la femme, c’est l’unique objet de l’amour. Tous la suivent, et tous pour elle méprisent leur propre espèce. Que parle-t-on du bouc noir, son prétendu favori ? Mais cela est commun à tous. Le cheval hennit pour elle, rompt tout, la met en danger. Le chef redouté des prairies, le