Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



VIII

LE PRINCE DE LA NATURE


Dur est l’hiver, long et triste dans le sombre nord-ouest. Fini même, il a des reprises, comme une douleur assoupie, qui revient, sévit par moments. Un matin, tout se réveille paré d’aiguilles brillantes. Dans cette splendeur ironique, cruelle, où la vie frissonne, tout le monde végétal paraît minéralisé, perd sa douce variété, se roidit en âpres cristaux.

La pauvre sibylle, engourdie à son morne foyer de feuilles, battue de la bise cuisante, sent au cœur la verge sévère. Elle sent son isolement. Mais cela même la relève. L’orgueil revient, et, avec lui une force qui lui chauffe le cœur, lui illumine l’esprit. Tendue, vive et acérée, sa vue devient aussi perçante que ces aiguilles, et le monde, ce monde cruel dont elle souffre, lui est transparent comme verre. Et, alors, elle jouit, comme d’une conquête à elle.

N’en est-elle pas la reine ? n’a-t-elle pas des cour-