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Les nobles et jolis lévriers aident et mordent au plus sensible. Elle arrive enfin, éperdue, dans ce terrible cortège, à la porte de sa maison. — Fermée ! — Là, des pieds et des mains, elle frappe, elle crie : « Mon ami, oh ! vite ! vite ! ouvrez-moi ! » Elle était étalée là, comme la misérable chouette qu’on cloue aux portes d’une ferme… Et les coups, en plein, lui pleuvaient… — Au dedans, tout était sourd. Le mari y était-il ? ou bien, riche et effrayé, avait-il peur de la foule, du pillage de la maison ?

Elle eut là tant de misères, de coups, de soufflets sonores, qu’elle s’affaissa, défaillit. Sur la froide pierre du seuil, elle se trouva assise, à nu, demi morte, ne couvrant guère sa chair sanglante que des flots de ses longs cheveux. Quelqu’un du château dit : « Assez… On n’exige pas qu’elle meure. »

On la laisse. Elle se cache. Mais elle voit en esprit le grand gala du château. Le seigneur, un peu étourdi, disait pourtant : « J’y ai regret. » Le chapelain dit doucement : « Si cette femme est endiablée, comme on le dit, monseigneur, vous devez à vos bons vassaux, vous devez à tout le pays de la livrer à Sainte-Église. Il est effrayant de voir, depuis ces affaires du Temple et du Pape, quels progrès fait le démon. Contre lui, rien que le feu… » — Sur cela un Dominicain : « Votre Révérence a parlé excellemment bien. La diablerie, c’est l’hérésie au premier chef. Comme l’hérétique, l’endiablé doit être brûlé. Pourtant plusieurs de nos bons Pères ne se fient plus au feu même. Ils veulent sagement qu’avant tout l’âme soit longuement purgée, éprouvée, domptée par les jeûnes ; qu’elle ne brûle pas dans son orgueil, qu’elle