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« — Comment ? — Mais rien n’est plus simple. Pour faire un Esprit géant, il ne faut que lui faire un don.

« — Quel ? — Une jolie âme de femme.

« — Oh ! méchant, qui es-tu donc ? Et que demandes-tu là ? — Ce qui se donne tous les jours… — Voudriez-vous valoir mieux que la dame de là-haut ? Elle a engagé son âme à son mari, à son amant, et pourtant la donne encore entière à son page, un enfant, un petit sot. — Je suis bien plus que votre page ; je suis plus qu’un serviteur. En que de choses ai-je été votre petite servante !… Ne rougissez pas, ne vous fâchez pas. Laissez-moi dire seulement que je suis tout autour de vous, et déjà peut-être en vous. Autrement, comment saurais-je vos pensées, et jusqu’à celle que vous vous cachez à vous-même… Que suis-je, moi ? Votre petite âme, qui sans façon parle à la grande… Nous sommes inséparables. Savez-vous bien depuis quel temps je suis avec vous ?… C’est depuis mille ans. Car j’étais à votre mère, à sa mère, à vos aïeules… Je suis le génie du foyer.

« — Tentateur !… Mais que feras-tu ? — Alors, ton mari sera riche, toi puissante, et l’on te craindra. — Où suis-je ? tu es donc le démon des trésors cachés ?… — Pourquoi m’appeler démon, si je fais une œuvre juste, de bonté, de piété ?…

« Dieu ne peut pas être partout, il ne peut travailler toujours. Parfois il aime à reposer, et nous laisse, nous autres génies, faire ici le menu ménage, remédier aux distractions de sa providence, aux oublis de sa justice.