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en désespoir de toute chose, sous la pression terrible des outrages et des misères.


« Mais, dit-on, ces grandes misères durent être fort adoucies vers les temps de saint Louis, qui défend les guerres privées entre les seigneurs. » Je crois justement le contraire. Dans les quatre-vingts ou cent ans qui s’écoulent entre cette défense et les guerres des Anglais (1240-1340), les seigneurs, n’ayant plus l’amusement habituel d’incendier, piller la terre du seigneur voisin, furent terribles à leurs vassaux. Cette paix leur fut une guerre.

Les seigneurs ecclésiastiques, seigneurs moines, etc., font frémir dans le Journal d’Eudes Rigault (publié récemment). C’est le rebutant tableau d’un débordement effréné, barbare. Les seigneurs moines s’abattaient surtout sur les couvents de femmes. L’austère Rigault, confesseur du saint roi, archevêque de Rouen, fait une enquête lui-même sur l’état de la Normandie. Chaque soir il arrive dans un monastère. Partout, il trouve ces moines vivant la grande vie féodale, armés, ivres, duellistes, chasseurs furieux à travers toute culture ; les religieuses avec eux dans un mélange indistinct, partout enceintes de leurs œuvres.

Voilà l’Église. Que devaient être les seigneurs laïques ? Quel était l’intérieur de ces noirs donjons que d’en bas on regardait avec tant d’effroi ? Deux contes, qui sont sans nul doute des histoires, la Barbe-Bleue et Grisélidis, nous en disent quelque chose. Qu’était-il pour ses vassaux, ses serfs, l’ama-