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les barbares, couvriront les prêtres et les saints, échappés de leurs églises.

Malgré le Chauve empereur, qui défend que l’on bâtisse, sur la montage s’élève une tour. Le fugitif y arrive. « Recevez-moi au nom de Dieu, au moins ma femme et mes enfants. Je camperai avec mes bêtes dans votre enceinte extérieure. » La tour lui rend confiance et il sent qu’il est un homme. Elle l’ombrage. Il la défend, protège son protecteur.

Les petits jadis, par famine, se donnaient aux grands comme serfs. Mais ici, grande différence. Il se donne comme vassal, qui veut dire brave et vaillant[1].

Il se donne et il se garde, se réserve de renoncer. « J’irai plus loin. La terre est grande. Moi aussi, tout comme un autre, je puis là-bas dresser ma tour… Si j’ai défendu le dehors, je saurai me garder dedans. »

C’est la grande, la noble origine du monde féodal. L’homme de la tour recevait des vassaux, mais en leur disant : « Tu t’en iras quand tu voudras, et je t’y aiderai, s’il le faut ; à ce point que, si tu t’embourbes, moi je descendrai de cheval. » C’est exactement la formule antique[2].


Mais, un matin, qu’ai-je vu ? Est-ce que j’ai la vue trouble ? Le seigneur de la vallée fait sa chevauchée autour, pose les bornes infranchissables, et même

  1. Différence trop peu sentie, trop peu marquée par ceux qui ont parlé de la recommandation personnelle, etc.
  2. Grimm, Rechts alterthümer, et mes Origines du droit.