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le païen inoffensif l’aveugle rage populaire. La loi déchaîne à l’aveugle toutes les fureurs contre la loi.

Dieux anciens, entrez au sépulcre. Dieux de l’amour, de la vie, de la lumière, éteignez-vous ! Prenez le capuche du moine. Vierges, soyez religieuses. Épouses, délaissez vos époux ; ou, si vous gardez la maison, restez pour eux de froides sœurs.

Mais tout cela, est-ce possible ? qui aura le souffle assez fort pour éteindre d’un seul coup la lampe ardente de Dieu ? Cette tentative téméraire de piété impie pourra faire des miracles étranges, monstrueux… Coupables, tremblez !

Plusieurs fois, dans le Moyen-âge, reviendra la sombre histoire de la Fiancée de Corinthe. Racontée de si bonne heure par Phlégon, l’affranchi d’Adrien, on la retrouve au douzième siècle, on la retrouve au seizième, comme le reproche profond, l’indomptable réclamation de la Nature.


« Un jeune homme d’Athènes va à Corinthe chez celui qui lui promit sa fille. Il est resté païen, et ne sait pas que la famille où il croyait entrer vient de se faire chrétienne. Il arrive fort tard. Tout est couché, hors la mère, qui lui sert le repas de l’hospitalité, et le laisse dormir. Il tombe de fatigue. À peine il sommeillait, une figure entre dans la chambre : c’est une fille, vêtue, voilée de blanc ; elle a au front un bandeau noir et or. Elle le voit. Surprise, levant se blanche main : « Suis-je donc déjà si étrangère dans la maison ?…