Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

errer où il veut, aux déserts, aux précipices. Maigreur, faiblesse croissantes. Et plus ce corps misérable est faible, plus le démon l’agite. La femme surtout est habitée, gonflée, soufflée de ces tyrans. Ils l’emplissent d’aura infernale, y font l’orage et la tempête, s’en jouent, au gré de leur caprice, la font pécher, la désespèrent.

Ce n’est pas nous seulement, hélas ! c’est toute la nature qui devient démoniaque. Si le diable est dans une fleur, combien plus dans la forêt sombre ! La lumière qu’on croyait si pure est pleine des enfants de la nuit. Le ciel plein d’enfer ! quel blasphème ! L’étoile divine du matin, dont la scintillation sublime a plus d’une fois éclairé Socrate, Archimède ou Platon, qu’est-elle devenue ? Un diable, le grand diable Lucifer. Le soir, c’est le diable Vénus, qui m’induit en tentation dans ses molles et douces clartés.

Je ne m’étonne pas si cette société devient terrible et furieuse. Indignée de se sentir si faible contre les démons, elle les poursuit partout, dans les temples, les autels de l’ancien culte d’abord, puis dans les martyrs païens. Plus de festins ; ils peuvent être des réunions idolâtriques. Suspecte est la famille même ; car l’habitude pourrait la réunir autour des lares antiques. Et pourquoi une famille ? L’Empire est un empire de moines.

Mais l’individu lui-même, l’homme isolé et muet, regarde le ciel encore, et dans les astres retrouve et honore ses anciens dieux. « C’est ce qui fait les famines, dit l’empereur Théodose, et tous les fléaux de l’empire. » Parole terrible qui lâche sur