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les survenants. On ne trouve pas beaucoup d’étrangers qui veuillent en profiter, au risque de devenir serfs. Mais les enfants viennent à l’aveugle en foule, en nombre énorme. Tout enfant qui ouvre les yeux a sa part toute prête, qu’il recevra de la commune ; c’est comme une prime pour naître, l’encouragement le plus efficace à la génération.

Monstrueuse force de vie, de multiplication ! épouvantable pour le monde, si cette force n’était balancée ! Mais l’action de la mort n’est pas moins monstrueuse ; elle a ses deux ministres, tous deux expéditifs : un atroce climat, un gouvernement plus atroce.

Ajoutez que dans ce communisme même qui encourage tellement à naître et à vivre, il y a, en récompense, une force de mort, d’improductivité, d’oisiveté, de stérilité. L’homme, non responsable, se reposant sur la commune, reste comme endormi dans l’imprévoyance enfantine ; d’une charrue légère, il écorche légèrement un sol ingrat ; il chante, insouciant, son chant doux, monotone ; la terre produira peu ; qu’importe ? il se fera assigner un lot de terre de plus, sa femme est là : il aura un enfant.

De là un résultat très imprévu : le communisme ici fortifie la famille. La femme est fort aimée ; elle a la vie très douce. Elle est en réalité la source de l’aisance ; son sein fécond est pour l’homme une source de biens. L’enfant est bienvenu. On chante à sa naissance ; il apporte la prospérité. Il meurt bientôt, c’est vrai le plus souvent ; mais sa féconde mère ne perd pas un moment pour le remplacer vite, et maintenir son lot dans la famille.