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aujourd’hui ? — Tout organisme qui fonctionne bien est double, a deux côtés. La vie ne va guère autrement. C’est un certain balancement de deux forces, opposées, symétriques, mais inégales ; l’inférieure fait contre-poids, répond à l’autre. La supérieure s’impatiente, et veut la supprimer. — À tort.

Lorsque Colbert (1672) destitua Satan avec peu de façon en défendant aux juges de recevoir les procès de sorcellerie, le tenace Parlement normand, dans sa bonne logique normande, montra la portée dangereuse d’une telle décision. Le diable n’est pas moins qu’un dogme, qui tient à tous les autres. Toucher à l’éternel vaincu, n’est-ce pas toucher au vainqueur ? Douter des actes du premier, cela mène à douter des actes du second, des miracles qu’il fit précisément pour combattre le Diable. Les colonnes du ciel ont leur pied dans l’abîme. L’étourdi qui remue cette base infernale, peut lézarder le paradis.

Colbert n’écouta pas. Il avait tant d’autres affaires. — Mais le diable peut-être entendit. Et cela le console fort. Dans les petits métiers où il gagne sa vie (spiritisme ou tables tournantes), il se résigne, et croit que du moins il ne meurt pas seul.