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fonction essentielle de notre nature. Comment porter la vie, si nous ne pouvons rire, tout au moins parmi nos douleurs ?

L’Église, qui ne voit dans la vie qu’une épreuve, se garde de la prolonger. Sa médecine est la résignation, l’attente et l’espoir de la mort. — Vaste champ pour Satan. Le voilà médecin, guérisseur des vivants. — Bien plus, consolateur ; il a la complaisance de nous montrer nos morts, d’évoquer les ombres aimées.

Autre petite chose rejetée de l’Église, la Logique, la libre Raison. C’est là la grande friandise dont l’autre avidement se saisit.

L’Église avait bâti à chaux et à ciment un petit in-pace, étroit, à voûte basse, éclairé d’un jour borgne, d’une certaine fente. Cela s’appelait l’École. On y lâchait quelques tondus, et on leur disait : « Soyez libres. » Tous y devenaient culs-de-jatte. Trois cents, quatre cents ans confirment la paralysie. Et le point d’Abailard est justement celui d’Occam !

Il est plaisant qu’on aille chercher là l’origine de la Renaissance. Elle eut lieu, mais comment ? par la satanique entreprise des gens qui ont percé la voûte, par l’effort des damnés qui voulaient voir le ciel. Et elle eut lieu bien plus encore, loin de l’École et des lettrés, dans l’École buissonnière, où Satan fit la classe à la sorcière et au berger.

Enseignement hasardeux, s’il en fut, mais dont les hasards même exaltaient l’amour curieux, le désir effréné de voir et de savoir. — Là commencèrent les mauvaises sciences, la pharmacie défendue des poi-