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âge avec l’antiquité. Rapports réels, mais faibles, de petite importance. Ni la vieille Magicienne, ni la Voyante celtique et germanique ne sont encore la vraie Sorcière. Les innocentes Sabasies (de Bacchus Sabasius), petit sabbat rural, qui dura dans le Moyen-âge, ne sont nullement la Messe noire du quatorzième siècle, le grand défi solennel à Jésus. Ces conceptions terribles n’arrivèrent pas par la longue filière de la tradition. Elles jaillirent de l’horreur du temps.

D’où date la Sorcière ? Je dis sans hésiter : « Des temps du désespoir. »

Du désespoir profond que fit le monde de l’Église. Je dis sans hésiter : « La Sorcière est son crime. »

Je ne m’arrête nullement à ses doucereuses explications qui font semblant d’atténuer : « Faible, légère, était la créature, molle aux tentations. Elle a été induite à mal par la concupiscence. » Hélas ! dans la misère, la famine de ces temps, ce n’est pas là ce qui pouvait troubler jusqu’à la fureur diabolique. Si la femme amoureuse, jalouse et délaissée, si l’enfant chassée par la belle-mère, si la mère battue de son fils (vieux sujets de légendes), si elles ont pu être tentées, invoquer le mauvais Esprit, tout cela n’est pas la Sorcière. De ce que ces pauvres créatures appellent Satan, il ne suit pas qu’il les accepte. Elles sont loin encore, et bien loin d’être mûres pour lui. Elles n’ont pas la haine de Dieu.


Pour comprendre un peu mieux cela, lisez les registres exécrables qui nous restent de l’inquisition,