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minutes. Devenu violet, hérissé, presque mort, on le tirait de là, on le prononçait insolvable, ou, pour dire comme le percepteur : Secoué, tondu ras et tordu à sec.


Telle est l’effroyable barbarie avec laquelle on a si longtemps traité le peuple le plus patient et le plus doux du monde.


Hommes de toute nation, de toute opinion, lisez la belle et noble proclamation de la révolution de Valachie en 1848 ; voyez la modération incroyable, la clémence dont elle fit preuve, les ménagements, qu’elle garda pour tous vos yeux, nous en sommes sûrs, n’iront pas jusqu’au bout sans s’obscurcir de larmes.


Et cette révolution si douce fut fortement fondée. Elle est au cœur du peuple maintenant et n’en sortira plus. Elle a sa racine en ceci que, non seulement la liberté lui fut donnée, mais la propriété la terre avec paysan, une pièce de terre suffisante pour sa famille. Dans une contrée, inculte encore en grande partie, on peut donner à tous sans ôter à personne.


Ces immenses prairies désertes qui surprennent le voyageur de leur incroyable richesse, de la variété d’un prodigieux tapis de leurs, sont le seul pays en Europe qui rappelle la grandeur des sites américains. Des migrations nombreuses pourraient s’y faire, sans passer l’Océan ; des peuples viendraient s’y asseoir, et il y aurait place encore. L’homme seul, la barbarie des guerres, le cruel calcul des tyrans, ont pu y créer le désert, y rendre inutile, sans la décourager pourtant, la maternelle bonté de la nature.