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nié tout le monde, sans conteste et de haut (in articulo mortis). Ses ennemis l’ont cru, et les historiens anglais répètent à l’envi ses mensonges.

Cet homme désintéressé a laissé une grosse fortune, une famille fort riche, qui, sur la foi de son étoile, a puissamment cultivé la légende, en vue d’une restauration, travaillant et pour lui, et, comme il avait fait, contre les grands acteurs de l’époque (Masséna, Hoche, Ney, etc.).

La vérité pourtant subsistait en dessous, quoique enterrée. Pendant un demi-siècle, j’ai pu surprendre par moments des jours inattendus qui se faisaient. La mort m’aidait beaucoup. Elle a un pacte avec l’histoire. Elle lui donnait la joie de voir par moments disparaître ces ombres artificieuses, qui pendant si longtemps avaient masqué la vérité.

Le meilleur, c’est que justement en plein triomphe ils se sont découverts. Au plus fort de l’ivresse du dernier règne, des spéculateurs littéraires assurèrent à César que la Correspondance de l’autre pouvait très bien se publier, en l’épurant par des mains sûres. Bonaparte écrivait très peu. Mais dans la foule des lettres qu’il inspirait, dictait, on pouvait faire un choix. Seulement, pour cette opération il eût fallu des yeux ; je veux dire une attention éclairée, pénétrante, pour voir ce qu’il fallait cacher. Mérimée et autres avaient de l’esprit, mais il fallait une étude sérieuse et de la patience. J’ai vu avec surprise que, dans ce grand recueil, émondé au hasard, des faits énormes étaient restés ; et restés