Page:Michelet - OC, Histoire du dix-neuvième siècle, t. 1.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Constamment l’or anglais créé par la puissance industrielle qui payait et armait l’Europe. Puissance vaincue à Austerlitz, victorieuse à Waterloo.


On ne peut comprendre un siècle qu’en le voyant dans son ensemble. Les faits énormes de celui-ci resteraient fort obscurs, si on ne le reprenait à son principe général, la machine, et d’abord la machine humaine : l’enrégimentation.

Je suppose que vers 1800, sans rien savoir de notre Europe, je la regarde d’en haut, par exemple du haut d’un ballon. Quelle chose frappera ma vue ? Un phénomène analogue dans tout l’Ouest. Je verrai dans notre France des masses énormes graviter vers de vastes ruches maussades qu’on appelle des casernes, et des foules non moins grandes en Angleterre s’entasser dans ces ennuyeux habitacles qu’on appelle des fabriques.

Je croirais des deux côtés voir des maisons pénitentiaires où l’on ne va que condamné. Il n’en est pas ainsi. Tout entière, l’Angleterre d’elle-même y a passé, et s’est enterrée là. Où est-elle la vieille Angleterre, avec ses classes agricoles, le paysan, le gentilhomme de campagne ?… Tout cela, en trois quarts de siècle, a disparu, fait place à un peuple d’ouvriers, enfermés aux manufactures. Chez nous, depuis quatre-vingts ans, le fils du paysan chaque année, gaillardement enrubanné, a accepté en chantant la servitude des casernes et de leurs exercices