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tuer tout. Les commissions militaires et les fusillades y auraient suffi. On y ajouta un affreux supplément, furtif dans le commencement, hypocrite, sans tromper personne. Ce fut de se passer de tout jugement, et nuitamment, furtivement, de vider les prisons dans la Loire.

Cette invention d’un supplice que la loi n’autorise point, était un crime contre elle ; elle en encouragea un autre, les mitraillades de Lyon, qui eurent lieu trois semaines après.

Carrier n’ignorait nullement la responsabilité qu’il encourait. Il refusa tout ordre écrit. Point d’ordre et point d’exécuteur. Rien d’organisé encore. Ce fut presque seuls, eux-mêmes, et en grande partie de leurs mains, que ces furieux patriotes firent l’horrible exécution.

On avait vu une chose étonnante à Rochefort, qui révèle le fanatisme de ce temps. Quand on y prit les officiers de l’Apollon qui avaient livré Toulon, il n’y avait point de bourreau. Le représentant Lequinio, dans la société populaire, demanda s’il se trouvait un homme dévoué qui voulût être le vengeur du peuple (cela s’appelait ainsi). Un jeune homme, nommé Ance, jusque-là irréprochable, se leva, dit : « Moi. » Dix autres s’offrirent alors. Mais Lequinio donna la préférence au premier et le fit manger avec lui. Lequinio, si terrible en 1793, est précisément celui dont les vives réclamations en 1794 arrêtèrent dans la Vendée le massacre et l’incendie.

Ce fut à la descente de la Loire, au-dessous de