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qui chassa Carrier). Plusieurs fois, ils essayèrent de prendre les armes ; l’ingénieur Rapatel, même avant Carrier, avait dit que les prisonniers cherchaient des instruments tranchants et voulaient s’unir à Charette.

Un fait certain, c’est que les proclamations de celui-ci paraissaient d’abord à Nantes, et pour une raison très simple ; elles s’imprimaient justement chez l’imprimeur de Carrier. Cet imprimeur, républicain d’opinion, mais Nantais d’abord, c’est-à-dire marchand, travaillait pour qui le payait. Le jour, portant le bonnet rouge (et sa femme de même, ses enfants, ses ouvriers, tous en bonnet rouge), il imprimait des choses rouges. La nuit, seul, en blanc bonnet, il imprimait à petit bruit les blanches proclamations, empochant impartialement les assignats et les guinées.

L’or anglais, irrésistible contre la monnaie de papier, créait partout aux royalistes des serviteurs pleins de zèle. Des cordonniers de Nantes (qui vivent encore) bâclaient au prix du maximum de mauvais souliers pour nos troupes ; les meilleurs, ils avaient l’honneur de les faire passer aux Messieurs de l’autre rive, à Vertou, à Saint-Sébastien. Les armuriers étaient de même. Quand Charette (dit son chroniqueur) ébréchait son sabre sur la tête des républicains, il l’envoyait, sinon à Nantes, à Paris même, où l’on s’empressait de le réparer[1].

  1. On ne devinerait pas l’impertinence du beau monde d’autrefois, si je ne rapportais l’acte singulier qui suit, écrit par Philippe Tronjolly, magistrat