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danger ? disait-il. Ai-je le droit de faire grâce ? »

Le comité révolutionnaire, formé d’hommes de Phelippeaux, mais reflétant fidèlement le progrès de la fureur populaire, apparaissait à Carrier comme un œil ouvert sur lui. Dans une rare occasion, où Carrier élargit un homme, il recommanda qu’il partit, échappât à la surveillance du comité révolutionnaire[1]. Le comité, de son côté, qui, sous main, sauvait des enfants, craignait extrêmement Carrier.

Cet homme, tellement attentif à ne pas se compromettre, chercha sa sûreté en trois choses : ne point donner d’ordre écrit, s’attacher les pauvres en forçant les marchands de vendre au prix strict du maximum, enfin se débarrasser par tous les moyens des bouches inutiles. Vendre au rabais, même à perte. Les Nantais aimaient mieux mourir. Ils trouvèrent cent moyens ingénieux d’éluder la loi. Carrier se consumait d’efforts ; rien n’y faisait. Il employait les plus terribles menaces, jusqu’à dire : « La loi d’une main, la hache de l’autre, nous forcerons les magasins. » Par trois fois il entreprit l’opération impossible d’arrêter tous les marchands[2], même les revendeurs en détail. Ils fermaient ou se cachaient.

  1. Un armateur devait partager une prise fort considérable avec le capitaine Dupuy. L’armateur dénonce Dupuy. La mère d’un de mes amis, bon et brave patriote, prend sur elle d’aller voir Carrier.

    « Ton Dupuy, lui dit celui-ci, me fait l’effet d’être vraiment un b de royaliste. Ce serait dommage pourtant qu’il ne mourût pas pour son royalisme, qu’il mourût pour un ennemi. Prends cet ordre, et qu’il se sauve ; mais surtout que l’affaire ne soit pas sue du comité. »

  2. Y avait-il alors, comme le croyait Carrier, un parti pris d’affamer Nantes ? Je ne le crois pas. Mais la chose est certaine pour 1793. J’avais tou-