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« Plus de grâce ! » C’était, dit-elle, l’exaspération causée par la mort de la reine. Mais avant, dès le 20 septembre, les Vendéens n’avaient-ils pas comblé le puits Montaigu des corps vivants de nos soldats, écrasés à coups de pierres ? Charette, en prenant Noirmoutiers (15 octobre), n’avait-il pas fait fusiller tous ceux qui s’étaient rendus[1] ?

On racontait des choses inouïs des Vendéens, des hommes enterrés jusqu’au col, pour que leur misérable tête, vivante et voyante, servît de jouet, des prisonniers mis au four, des femmes (exemple, la fille D…, à Cholet, morte récemment), lesquelles, d’une main délicate, allaient sur les champs de bataille, piquer à l’œil, de leurs longues aiguilles, nos soldats agonisants. Des patriotes échappés (j’en ai des lettres sous les yeux) disaient, chose plus diabolique, que les Vendéens n’étaient pas contents de tous les supplices, à moins qu’ils ne fussent infligés par de très proches parents ; ils obligeaient par exemple un garçon de dix-sept ans à assassiner son père, sauf à le sabrer ensuite.

Carrier, arrivant à Nantes, fut terrifié de la fureur du peuple. Il craignit d’être mis en pièces dans un moment de famine. Il reprocha aux corps administratifs de vouloir le faire périr, en rejetant sur lui l’embarras des subsistances.

Il exprimait cette peur, surtout quand on lui parlait d’indulgence : « Voulez-vous me mettre en

  1. Piet, Histoire de Noirmoutiers. Ouvrage très rare et curieux, que l’auteur a tiré à seize exemplaires. (Bibliothèque de Nantes.)