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ennemi d’Hérault. Hébertiste, il n’était pas moins équitable pour les dantonistes ; dans ses lettres, il rend justice à Merlin (de Thion ville), à Westermann, à Phelippeaux même.

La bataille de Wattignies n’étant pas gagnée encore, la terreur d’une descente qui nous prendrait par derrière faisait désirer d’en finir à tout prix avec l’Ouest. Les indulgents mêmes le voulaient ainsi. Merlin demanda « qu’on fit de la Vendée un désert ». Hérault écrivit à Carrier au nom du Comité : « Si ta santé le permet, va souvent de Rennes à Nantes… Il faut purger cette ville. Les Anglais vont arriver. Nous aurons le temps d’être humains, lorsque nous serons vainqueurs. »

Carrier était un homme très nerveux et bilieux, d’une imagination violente et mélancolique. Dans une lettre à Billaud (11 octobre), il exprime toute sa pensée, il se sent voué à la mort. Il dit, dans un dîner à Nantes, qu’il voyait bien qu’on se servait de lui pour le sacrifier ensuite. Eut-il des instructions secrètes ? Napoléon croit qu’il en eut et qu’on les lui enleva. La tradition nantaise est qu’il les portait sur lui dans une bourse de maroquin rouge, que Barère, Billaud et Collot dînèrent avec lui, le grisèrent et lui enlevèrent les pièces qui les compromettaient. Ces traditions sont romanesques. Sans imaginer ces mystères, on va voir que tout s’explique par la situation. Elle se trouva inattendue, effroyable, prodigieuse de trouble et de vertige. La tête de Carrier n’y tint pas.