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Robespierre avait bu du fiel tout ce que contient le monde. Il toucha enfin le port, la place de la Révolution. Il monta d’un pas ferme les degrés de l’échafaud. Tous, de même, se montrèrent calmes, forts de leur intention, de leur ardent patriotisme et de leur sincérité. Saint-Just, dès longtemps, avait embrassé la mort et l’avenir. Il mourut digne, grave et simple. La France ne se consolera jamais d’une telle espérance ; celui-ci était grand d’une grandeur qui lui était propre, ne devait rien à la fortune et seul il eût été assez fort pour faire trembler l’épée devant la loi.

Faut-il dire une chose infâme ? Un valet de la guillotine (était-ce le même qui souffleta Charlotte Corday ?) voyant dans la place cette fureur, cet emportement de vengeance contre Robespierre, lâche et misérable flatteur de la foule, arracha brutalement le bandeau qui soutenait sa pauvre mâchoire brisée… Il poussa un rugissement… On le vit un moment pâle, hideux, la bouche ouverte toute grande et ses dents brisées qui tombaient… Puis il y eut un coup sourd… Ce grand homme n’était plus.

Vingt et un suppliciés, c’était peu pour la foule. Elle avait soif, il lui fallait du sang. Le lendemain, on la régala de tout le sang de la Commune ; soixante-dix têtes en une fois ! Et pour dessert du banquet, douze têtes le troisième jour.

Notons que, de ces cent personnes, il y en avait la moitié parfaitement étrangères à Robes-