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choses. Il connaissait Robespierre ; il croyait qu’il voudrait toujours une solution légale, le jugement, le triomphe de Marat. Cela donnait du temps ; on pouvait travailler l’opinion, l’avidité avec laquelle le public avait accueilli l’affaire Saint-Amaranthe et celle de la Mère de Dieu montrait combien l’homme était mûr, combien facile à attaquer, combien prêt à recevoir le coup de la calomnie.

Tout se fut passé ainsi, si Robespierre eût été maître de son parti. Il ne l’était pas.

Un peu avant dix heures du soir, le Comité écoutant tristement le tocsin de la Commune, les portes étant tout ouvertes, quelqu’un entra précipitamment, un gendarme : « Robespierre est délivré ! » Vers neuf heures effectivement, la Commune désespérant de le faire venir à elle, Coffinhal, l’hercule auvergnat, se chargea de l’apporter. Enveloppant Robespierre de sa voix assourdissante, de ses bras irrésistibles, de sa brutale amitié, il l’enleva de la mairie, l’entraîna à l’Hôtel de Ville, à l’insurrection, le fit insurgé malgré lui. Ce fut cette main coupable qui, dans la falsification du procès d’Hébert, prépara la mort de Danton, qui, dans celui de Danton mutila ses dernières paroles, ce fut, dis-je, cette même main, par une fatalité de crimes, qui enleva Robespierre de l’asile de la Loi où il s’efforçait de rester et le posa dans la Mort.

L’infortuné, sur la route, disait à cette bande étourdie et violente : « Vous me perdez ! Vous vous perdez ! Vous perdez la République ! » Eux, ils ne