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La seule chose qu’indiquait la situation, c’était sans doute, si l’on pouvait, de tuer moralement Robespierre, en faisant courir le bruit qu’il avait été arrêté pour un complot royaliste[1] ; c’est ce que prêcha d’Ossonville dans les sections. Pour Dulac, on peut soupçonner sans risquer de faire trop de tort à ces honnêtes gens, que toutes ses instructions furent le poignard de Tallien.

La Convention, rentrée en séance à sept heures du soir, avait appris l’arrestation d’Henriot, mais elle était loin de soupçonner l’inaction des Comités. On avait mené le captif au Comité de sûreté ; un seul membre s’y trouvait, Amar, et il s’esquiva. Il fallut mener Henriot au Comité de salut public. Barère, Billaud, d’autres y étaient. « Mais, dit Billaud à celui qui l’amenait, que veux-tu que nous en fassions ?… — Il nous égorgera ce soir… — Que faire enfin ? dit Barère ; nommer une commission militaire qui juge prévôtalement ?… — Ce serait un peu vigoureux, dit Billaud. — Ramenez-le, dit Barère, au Comité de sûreté ; nous allons nous en occuper. »

Le Comité ne voulait pas pousser vivement les

  1. Si l’on veut croire le très peu croyable Soulavie (t. V, 348), Robespierre aurait reçu des ouvertures de l’Angleterre, et la lettre aurait été interceptée par Vadier. Mais comment supposer que Vadier n’eût pas publié une telle lettre ? De l’Angleterre ! c’est absurde.

    Quant aux puissances allemandes, il est certain qu’elles faisaient effectivement des ouvertures. Notre politique, à travers tous les partis (de Dumouriez, de Custine à Carnot et à Robespierre), fut invariable en ceci que tous crurent que la Prusse se détacherait la première de la coalition ; c’est cette espérance qui fit le fatal abandon de la Pologne (en mai 1794). Un signe, un geste de la France, le simple envoi du drapeau eût donné à Kosciuszko une force incalculable.