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sident, Collot d’Herbois, donne la parole à Tallien.

Celui-ci, allant très droit, surtout voulant réparer la maladresse de Fréron, rallier les Comités, reprocha à Robespierre d’avoir calomnié ces Comités héroïques « qui avaient sauvé la patrie ».

Robespierre frémit du péril, voyant se reformer la ligue, il nia, cria, s’agita… Ses regards désespérés firent un suprême appel à la Montagne… Un groupe de Montagnards, nous l’avons remarqué, étaient restés immobiles. Quelques-uns, par chevalerie, comme Merlin, et parce que Robespierre était leur ennemi personnel, quelques autres, de la nuance de Romme, Soubrany, Maure, Baudot, J.-B. Lacoste, la Montagne indépendante, parce qu’ils n’eussent sauvé Robespierre qu’en lui donnant la dictature. Ils ne pouvaient accabler ce grand citoyen poursuivi par de tels hommes ; d’autre part, comment l’appuyer, quand une fatalité terrible le poussait dans la tyrannie ?

Le cœur percé, plus qu’il ne le fut du poignard de prairial, ils s’enveloppèrent du devoir, se détachèrent des personnes, détournèrent leurs visages sombres du coupable, de l’infortuné si cher et si dangereux à la liberté publique[1]. Car la crise

  1. Romme, le mathématicien, l’un des principaux fondateurs du culte de la Raison, était l’oracle de cette partie de l’Assemblée, si peu connue, tellement étouffée par la gloire des dantonistes et des robespierristcs, Romme, avec la figure de Socrate, avait son sens profond, l’austère douceur d’un sage, d’un héros, d’un martyr. Il était absent au 9 thermidor (je dois ce renseignement à son petit-neveu, M. Tailhand, juge à Riom, dépositaire de sa précieuse correspondance), mais son esprit était présent dans l’Assemblée. Son opinion sur Robespierre qui étouffa le culte de la Raison, ne peut être