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si chers, avec qui ils avaient vécu, ils croyaient mourir eux-mêmes.

Tous les hommes du Perron, les agioteurs, ne manquaient pas d’augmenter leurs frayeurs ; ils leur disaient qu’effectivement ils étaient ruinés, qu’on ne les payerait jamais ; ils montaient la tête à ces pauvres gens. La foule ne bougeait plus des portes, y séchait ; la lenteur de l’immense opération confirmait ses craintes. En réalité les agioteurs étaient furieux. Ils étaient les plus lésés. Cette nécessité de représenter les titres, de se faire reconnaître pour créanciers effectifs, de donner certificat de vie, tout cela paralysait dans leurs mains des titres innombrables d’émigrés qu’ils acquéraient à bon compte et par lesquels jusque-là ils tiraient les rentes, suçaient, épuisaient le Trésor.

Cambon s’était établi en personne à la trésorerie. Il ouvrit des salles vastes, couvertes, où les rentiers, qui jusque-là étaient dans la cour sur leurs jambes, attendirent commodément assis. Par un travail excessif de nuit et de jour, il précipita l’affaire, convertit, brûla, refît cette masse énorme de titres, hâta les payements.

Cela allait encore lentement au 9 thermidor. Ces salles de la trésorerie, plus bruyantes que les clubs, retentissaient de cris, de plaintes, de réclamations, des soupirs de l’inquiétude, des gémissements du désespoir.

Il était assez habile à Robespierre de se faire l’écho des rentiers.