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On recula devant son opinion, et Ton décida qu’à partir du lendemain (25 prarial, 13 juin), les exécutions se feraient à l’autre bout du faubourg, à la barrière du Trône.

La file lugubre des charrettes dès lors suivait tout entière la longue, l’interminable rue. Les drames variés qu’elles offraient aux yeux s’accomplissaient sous les yeux des rudes travailleurs, des pauvres, des populations souffrantes, partant les plus irritées. Là, la fibre était plus dure. Cependant les accidents tragiques de famille et de parentés, la grande jeunesse des uns ou la vieillesse des autres, toutes ces choses de nature étaient peut-être plus senties dans le peuple des ouvriers que dans le monde du plaisir, plus facile aux larmes, mais au fond plus égoïste, plus prompt à détourner les yeux, à se refoncer bien vite dans les jouissances et l’oubli. Au faubourg, au contraire, loin des distractions du plaisir, on restait sur ces impressions. Les femmes les sentaient fortement, les exprimaient franchement, souvent, au foyer du soir, les retrouvaient, les ressassaient. Sous des paroles dures, furieuses, les cœurs peu à peu s’ébranlaient. De là leur immobilité au 9 thermidor. Ils ne firent rien pour soutenir le régime qui, quarante jours durant, les avaient saoulés, dégoûtés de ce rebutant spectacle.

La jalousie peut-être aussi y fit quelque chose. On avait soulagé de tout cela les beaux quartiers de Paris, et on l’infligeait au pauvre faubourg. Belle récompense de son patriotisme. Il devenait l’abattoir,