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jeunes. C’était là surtout ce que le peuple regardait et ce qu’il ne digérait pas, — et autour de ces femmes charmantes, leurs familles tout entières, la Saint-Amaranthe avec tous les siens, la Renaud avec tous les siens, une tragédie complète sur chaque voiture, les pleurs et les regrets mutuels, des appels de l’un à l’autre à crever le cœur. Mme de Saint-Amaranthe, fière et résolue d’abord, défaillait à tout instant.

Une actrice des Italiens, Mme Grandmaison, portait l’intérêt au comble. Maîtresse autrefois de Sartine qui avait épousé la jeune Saint-Amaranthe, elle lui restait fidèle. Pour lui, elle s’était perdue. Elles étaient là ensemble, assises dans la même charrette, les deux infortunées, devenues sœurs dans la mort et mourant dans un même amour.

Un bruit circulait dans la foule, horriblement calomnieux, que Saint-Just avait voulu avoir la jeune Saint-Amaranthe, et que c’était par jalousie, par rage, qu’il l’avait dénoncée.

Il y avait encore une fille de seize ans sur ces voitures, une ouvrière, misérable de mine et d’habits, la pauvre petite Nicole, qui, disait-on, n’avait rien fait que de porter à manger à Mlle Grandmaison. Le mouchard qui l’arrêta raconte que, quand il arriva jusqu’à son septième étage, où elle logeait sous le toit, sans meubles qu’une paillasse et un panier de guenilles, les larmes lui vinrent aux yeux. Il alla dire au Comité de sûreté qu’il était absolument impossible de faire périr cette enfant. Ils